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21/05/2009

Le fédéralisme d'ouverture et le ski de fond

Téléchargement Ski de fond et federalisme

Référendum ou braconnage constitutionnel au Niger?

Alors qu’on entrevoyait avec fierté et espoir la consolidation de la démocratie nigérienne, l’annonce de l’organisation prochaine d’un référendum pour remplacer la Constitution du 09 août 1999 vient d’ouvrir une page d’incertitudes pour notre pays. Les arguments avancés pour justifier cette opération sont de trois ordres : permettre au président de la République de «terminer ses chantiers»; accéder aux «supplications du peuple» et, enfin, mettre en place un régime présidentiel présenté par ses promoteurs comme plus efficace et plus en phase avec la culture nigérienne.

Il est tout à fait prévisible, dans un contexte comme le notre, de voir ces prétextes fallacieux développés par les courtisans et les griots politiques, ces passagers clandestins accrochés aux mamelles du pouvoir dont ils tirent tous les avantages sans avoir aucun mandat populaire et encore moins des comptes à rendre. Il est, en revanche, étonnant et décevant que le chef de l’État ait succombé à la tentation et se soit mis à la remorque du troupeau politique, lui qui est supposé le guider. On n’a en effet nullement besoin de beaucoup d’expérience pour comprendre que ce projet est juridiquement impossible, politiquement condamné et suicidaire pour notre pays.

Au plan juridique, le référendum envisagé serait illégal et constituerait une violation sans équivoque de la Constitution. On prétend que le référendum proposé laissera la Constitution du 09 août 1999 intacte et qu’il ne pose pas de problème de droit parce qu’il ne s’agit pas d’une révision de l’article 36 limitant le nombre de mandats présidentiels à deux. Invoquant ensuite l’article 49 et la loi 2004-46 qui fixent les conditions du recours au référendum, on nous explique que le chef de l’État a tout loisir de soumettre une nouvelle Constitution au peuple même contre l’avis de l’Assemblée Nationale et de la Cour Constitutionnelle. Cette interprétation relève au mieux d’une méconnaissance du droit et au pire, de la mauvaise foi. En effet, le même article invoqué exclut toute initiative aboutissant à remettre en cause la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels. De plus, plutôt que de lire partiellement la lettre du texte constitutionnel comme ils le font, les promoteurs du référendum devraient plutôt rapprocher les articles 36, 49 et 136 pour lire l’esprit de la Constitution qui, en dernière analyse, fonde véritablement l’interprétation à en donner. D’abord, la proposition d’une nouvelle Constitution étant faite dans le but avoué de contourner le verrou des deux mandats, le référendum est assimilable au regard de l’esprit de cette Constitution à une révision déguisée. En ce sens, il contrevient à l’article 136 en vertu duquel les dispositions de l’article 36 en particulier ne peuvent faire l’objet d’aucune modification. Dans ces conditions, on revient aux dispositions de l’article 135 qui impose une majorité de 3/4 des députés pour aller au référendum et de 4/5ème des députés pour que la révision soit acquise sans avoir besoin d’être soumise au référendum. Toute autre procédure serait un braconnage juridique qu’aucun juge constitutionnel sérieux ne peut avaliser. Ensuite, il est vrai que juridiquement, il existe une différence entre les avis et les arrêts de la Cour Constitutionnelle puisque les premiers sont consultatifs et les seconds exécutoires ; et la Constitution du 9 août est claire sur cette question en ses articles 114 et 115. Néanmoins, les avis ayant pour but d’éclairer le demandeur sur la constitutionnalité de l’objet de la demande, les gouvernants respectueux du droit suivent généralement les avis de la Cour en raison de la charge morale et symbolique qu’ils comportent. Passer outre un avis défavorable rendu par le gardien de la Constitution signifie de facto une inconstitutionnalité ou un déficit de constitutionnalité de l’acte posé.

Au plan politique, cette aventure n’est absolument pas viable. En supposant qu’à court terme, les promoteurs du référendum utilisent les moyens de l’État pour «gagner», le régime et les institutions qui en seraient issus ne seraient pas viables à long terme car ils seraient toujours entachés du sceau de l’illégalité et de l’illégitimité. A cet égard, j’invite ceux qui veulent tenter cette aventure à moins écouter leur ventre que leur cerveau. Autrement dit, ils devraient réfléchir à la situation et aux expériences antérieures avant de tenter un coup de force. A l’intérieur, l’état des forces politiques au Niger est loin de leur être aussi favorable qu’ils le pensent. L’expérience du hold up électoral sous la 4ème République a montré qu’on ne peut plus gouverner le peuple nigérien longtemps contre lui-même. Car contrairement à ce que les courtisans disent au chef de l’État, les nigériens ne veulent pas faire le deuil de leur démocratie et je ne parle pas ici seulement des syndicats, des partis politiques sérieux et des scolaires, mais aussi des paysans, artisans et commerçants. Il faut que les promoteurs du référendum se demandent jusqu’où ils sont prêts à aller une fois la procédure enclenchée pour faire taire la contestation. Le coût de cette aventure auquel ils ne pensent pas, préoccupés qu’ils sont de préserver leurs intérêts –il faudra emprisonner et peut-être tuer beaucoup de gens- me semble trop lourd à supporter et ils ne doivent promouvoir ce projet que s’ils sont prêts à tout. Mais même là, l’expérience montre que cette stratégie répressive a des limites. Le Niger n’est pas l’Algérie ou le Togo, pays où une chape de plomb politico-militaro-sécuritaire est capable de monter impunément ce genre de bricolage constitutionnel. Le paysage nigérien est trop fragmenté pour que quiconque soit en mesure de réaliser cette forme de verrouillage unilatéral du jeu politique à travers un référendum pour convenance personnelle.

Je ne m’étale même pas sur les conséquences désastreuses que l’inévitable instabilité attendue de cette aventure aura sur le Niger. Je rappelle à ses promoteurs que c’est parce que les autres ont joué franc jeu et ont respecté la Constitution qu’ils abhorrent aujourd’hui que le Président Tandja est resté tranquillement au pouvoir pendant près de dix ans maintenant. Je leur rappelle aussi que les chantiers vantés et pris comme prétextes aujourd’hui s’écrouleront plus vite qu’ils ne sont apparus si l’instabilité que je vois déjà poindre s’installe. Et que l’on se comprenne bien. Je n’ai rien contre la personne du Président Tandja. Je lui reconnais même le mérite d’avoir gouverné le Niger avec sagesse et sans excès. Mais les nigériens ont des rêves plus grands que ses chantiers, aussi importants soient-ils. Ils rêvent de voir la démocratie consolidée, d’avoir un pays où la lutte politique pacifique est institutionnalisée, d’être fiers de vivre dans un pays différent de toutes ces républiques bananières africaines. Ces rêves, je crois, sont partagés par tous ceux qui aiment vraiment ce pays et, j’imagine, par Président Tandja dont je ne doute pas de l’amour pour son pays même s’il le montre mal ces temps-ci. Or ces rêves ne peuvent être réalisés si l’on retombe dans une jungle juridique et si on viole les principes démocratiques élémentaires. La réalisation de ces rêves passe par le respect de la Constitution actuelle car le devenir d’un pays ne repose pas sur un homme providentiel, mais sur des institutions solides. Si j’avais un accès direct au Président Tandja, je ferais plus que ce texte. Je ferais ce que ceux qui l’aiment vraiment devraient faire, c'est-à-dire le convaincre que respecter la Constitution est la seule option qui soit véritablement dans l’intérêt de tous, et en premier lieu de son intérêt personnel. En supposant qu’il se soit laissé entraîné, il doit savoir que les promoteurs du référendum sont, en vérité, ses ennemis intimes. Il ne faut jamais oublier en effet cette observation d’un penseur : le pouvoir est une plus-value mystérieuse qui peut hausser son détenteur au dessus de lui-même… ou bien le briser. Et autant un flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute, autant le pouvoir brise toujours ceux qui succombent aux chants des sirènes. Bien entendu, les flatteurs ont alors vite fait d’aller flatter ailleurs.


Mamoudou Gazibo

 

19/05/2009

James Bond 003 : Au service d’une majesté chancelante. Frédéric Mérand

Le mythe James Bond a redoré le blason de la Grande-Bretagne. C’est la thèse, convaincante, qu’avance Simon Winder dans James Bond, l’homme qui sauva l’Angleterre (Demopolis, 2008). Selon Winder, le succès de James Bond à l’échelle mondiale doit beaucoup au réconfort que l’agent 007 a su donner aux Britanniques alors qu’ils entraient dans une période de déclin national prononcé.

Si James Bond apparaît en 1953 dans le roman Casino Royale, c’est surtout à partir de la fin des années 1950 qu’il deviendra l’importante figure littéraire qu’on connaît. Il faut attendre la sortir du film James Bond contre Docteur No, en 1962, pour que la planète entière fasse connaissance du  sur-espion britannique. Or, la fin des années 1950 est marquée par deux phénomènes importants dans l’histoire de l’Angleterre contemporaine: premièrement, la plongée du pays, avec la désindustrialisation, dans un coma économique qui durera jusqu’aux années 1990 ; deuxièmement, l’échec humiliant de l’intervention franco-britannique à Suez, première guerre perdue par l’Angleterre depuis des siècles. Commence alors une grande déprime, comme un après-midi pluvieux à Manchester. Les Britanniques prennent conscience que leur royaume n’est plus une grande puissance. Avec ses voitures anglaises sophistiquées (Aston Martin, Lotus) et l’omniprésence du drapeau britannique (sur les parachutes, notamment), James Bond agit comme tonifiant dans la conscience collective britannique.

La gestion du déclin de la Grande-Bretagne rejoint deux thèmes qui traversent presque toute la cinématographie bondienne. Ces thèmes sont étroitement associés à la politique étrangère britannique de l’après-guerre. Il y a d’abord la « relation spéciale » avec les Etats-Unis. On sait que, dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale mais encore plus après l’échec de la guerre de Suez, les dirigeants britanniques vont faire le pari de s’accrocher à leur partenaire américain peu importe les circonstances (la décision de Tony Blair d’intervenir en Irak en étant le dernier exemple). Le discours de la relation spéciale est fondé sur l’idée que, un peu à la manière d’Athènes par rapport à Rome, la Grande-Bretagne apporte un surcroit d’intelligence, de sagesse et de vivacité qui permettra aux Etats-Unis de mieux gouverner le monde. James Bond en est une illustration plus probante que Blair aux côtés de GW Bush sur la pelouse de la Maison Blanche en 2003.

Spirituel, courageux et cosmopolite, Bond sait dénouer les situations les plus difficiles, alors que les Américains, avec leurs gros sabots, les comprennent à peine. Les gadgets que Q lui prépare sont petits mais sophistiqués. Mais, lorsqu’une force massive est requise, par exemple un sous-marin ou une force d’intervention militaire, Bond sait qu’il doit compter sur la US Navy. Le meilleur ami de Bond est d’ailleurs un Américain : Felix Leiter de la CIA. Si Bond est prêt à tout sacrifier pour Felix,  il est frappant de constater que ce dernier apparaît presque systématiquement comme un fier-à-bras trop bronzé (Opération Tonnerre), un demeuré (Goldfinger) ou, plus récemment dans Quantum, un petit fonctionnaire honnête mais soumis à la bêtise de son supérieur de Langley.

L’influence de Bond ne lui vient pas que de sa sagacité. En fait, Bond joue souvent le rôle d’entremetteur entre l’URSS et les Etats-Unis ou, plus récemment, entre la Chine et les Etats-Unis. Lorsqu’un complot se trame qui pourrait entraîner la guerre entre les deux superpuissances, c’est Bond qui intervient pour rétablir l’ordre. Grâce à sa position au milieu de l’Atlantique, proche des Etats-Unis mais capable, comme vieille puissance européenne ou coloniale, de dialoguer avec Moscou ou Beijing, Londres peu traiter d’égal à égal avec les grands. Bond, d’une certaine manière, jouit d’une rente de situation, d’un capital de confiance qu’il ne peut faire fructifier qu’à condition de demeurer le partenaire privilégié mais critique de Washington. C’est là l’essence de la relation spéciale.

Le rôle ambivalent du Commonwealth dans la politique étrangère britannique est une autre façon de gérer le déclin. Si Ian Fleming, bien installé dans sa résidence de la Jamaïque, ne cache pas son attachement à l’empire dans ses livres, la question de la décolonisation n’est presque jamais mentionnée dans les films. Bond se promène pourtant un peu partout dans le Commonwealth : en Inde, dans les Caraïbes et en Afrique du sud. Mais, perplexe face aux mouvements de libération nationale, ne démontrant jamais le moindre intérêt pour la politique intérieure, Bond n’y voit pas beaucoup d’élites indigènes et préfère visiblement les stations de ski suisses. L’Afrique en général n’est pas très présente. Si Bond découvre les mystères de l’Egypte dans L’espion qui m’aimait (1977), il ne s’aventure pas plus loin dans le continent, et les figures de révolutionnaires militaires africains, comme dans Casino Royale, sont du côté des vilains. C’est ainsi avec mépris et une pointe d’ironie non cachée que l’associé du Chiffre les qualifie de « freedom fighters ». Alors même que Fleming écrit en pleine période de décolonisation, ce thème est clairement le grand absent de la saga bondienne. Et pour cause puisque la décolonisation c’est la remise en cause de la souveraineté de l’Empire britannique et la mise en accusation des grandes puissances qui constituent selon Flemming les seuls acteurs rationnels du jeu politique international.

11/05/2009

James Bond 002. L'État ne meurt jamais. Éléonore Lépinard

La Guerre Froide, c’est l’époque bondienne par excellence : elle met au goût du jour les histoires d’espionnage, elle institue des bons et des méchants, elle divise le monde en deux et offre, beaucoup plus qu’un véritable conflit ouvert, des possibilités infinies d’invention de complots secrets, d’alliances improbables et de trahisons plus ou moins prévisibles. Cependant, le discours bondien sur la Guerre Froide n’est pas celui qu’on croit. S’il est vrai que Ian Fleming, le créateur littéraire de Bond, était réputé pour les positions anticommunistes qu’il exprime dans ses romans, les films offrent une perspective décalée. En effet, dans Bons Baisers de Russie, là où Fleming avait mis le SMERSH, les services secrets soviétiques, le film propose un double jeu puisqu’on découvre au cours de l’intrigue que les membres du SMERSH sont en fait des agents doubles du SPECTRE, organisation terroriste sans foi ni loyauté à aucun État. Ce double jeu/trahison, qui dédouane du même coup l’Etat soviétique, constitue une figure récurrente des narrations bondiennes : dans l’univers des relations internationales qu’elles nous donnent à voir, les Etats ne sont jamais les véritables ennemis. C’est ainsi toujours un traître, souvent au départ identifié de façon erronée à sa hiérarchie militaire, qui prétend agir au nom de son Etat quand en réalité il n’agit que pour lui-même (le colonel nord-coréen Moon dans Meurs un autre jour, le colonel soviétique Koskov dans Tuer n’est pas jouer, le général russe Ourumov dans Goldeneye) ou pour une organisation terroriste, par nature transnationale et sans allégeance à un Etat souverain telle que le SPECTRE du méchant Blofeld (avec ses numéros 2, 3, 4…) dans les années 1960 ou, plus récemment, Quantum, une multinationale en réseau qui investit notamment dans les services à la propreté.

Parfois aussi les grandes puissances, ennemies dans la Guerre Froide, ne sont que des aides ou des bénéficiaires indirectes de l’action malfaisante de forces plus obscures. C’est le cas dans Goldfinger, où les Chinois qui aident technologiquement Goldfinger dans son entreprise visant à irradier la réserve d’or de Fort Knox, ne font que lui prêter main forte sans être le cerveau derrière cet abominable machination… Le même stratagème narratif est à l’œuvre dans Rien que pour vos yeux, où c’est à l’initiative d’un malfrat grec, opérant pour son propre compte, que les Soviétiques se retrouvent en position d’acquérir un transcodeur britannique assurant la transmission des ordres entre les sous-marins de l’amirauté. De façon significative, alors que le Général Gogol vient récupérer, armé, le transcodeur que Bond, incarné par Roger Moore et désarmé, a reconquis de haute lutte, ce dernier préfère le jeter dans le vide pour le détruire. Mais la réaction de Gogol n’est pas celle attendue : devant la destruction du bien convoité le Général n’ordonne pas l’exécution pourtant facile, de Bond qui, philosophe, tire la morale politique de l’histoire : « c’est ce qu’on appelle la détente mon Général, vous ne l’avez pas, et je ne l’ai pas non plus ».

La scène est significative : les Etats sont, contrairement aux terroristes, des êtres raisonnables et qui peuvent s’entendre, voire s’allier malgré leurs différences comme par exemple dans Demain ne meurt jamais où Bond finit par faire équipe avec sa concurrente directe, l’espionne chinoise Wai Lin, et à tirer là aussi la morale de l’histoire : l’Angleterre et la Chine ne sont pas si différentes et peuvent s’entendre sur bien des points. Bond affichait déjà le plus grand respect pour les hiérarques de l’Union soviétique. Au contraire des traîtres, en général motivés par l’appât du gain ou un génie malin et destructeur sans limites et sans raison, la raison d’Etat existe donc bel et bien dans l’univers de James Bond.

Cette représentation de l’État westphalien, opposé à des éléments incontrôlables et transnationaux tels que les réseaux terroristes, les marchés financiers (dans Goldfinger et Casino Royale), ou même les petites nations vivant dans la mémoire historique de leur oppression et qui peuvent favoriser des comportements irrationnels (dans Goldeneye), correspond bien à ce qu’on appelle la vision réaliste en théorie des relations internationales. Dans un système anarchique, seul l’État et son « monopole de la violence légitime » peuvent offrir un semblant d’ordre. L’intérêt national (« For Queen and country ») ne connaît pas d’idéologie ou de régime politique. Face aux « nouvelles » menaces sécuritaires que sont les pandémies, le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive ou les États en déliquescence – dont l’œuvre bondienne, anticipatrice, nous montre par ailleurs qu’elles ne sont pas si nouvelles que ça –, Bond propose de réaffirmer le rôle de l’État et de ses appareils de sécurité. L’URSS comme la Chine sont alors davantage des alliées objectives que des ennemies. Plus que le héraut du monde libre, James Bond est donc bien le défenseur de la souveraineté nationale.

Éléonore Lépinard + Frédéric Mérand

James Bond 001. Politique et fiction mythique. Éléonore Lépinard

Qui n’aime pas James Bond ? Qui ne connaît pas au moins une de ses phrases mythiques : « shaken, not stirred », « Bond, my name is James Bond »…. ? Malgré ses défauts – le machisme n’étant pas un des moindre, surtout pour les premiers films – ou ses exagérations, technologiques par exemple avec les gadgets invraisemblables de l’ère Pierce Brosnan, ou encore ses incursions pas toujours réussies du côté de la science fiction, les aventures bondiennes restent un mythe selon Françoise Hache-Bissette, Fabien Boully et Vincent Chenille (James Bond : figure mythique, Autrement, 2008,) c’est-à-dire un signifiant de notre modernité capable de s’adapter, de se transformer mais qui donne un sens à notre expérience du monde. 

La sortie en DVD du dernier opus de la saga James Bond, Quantum of Solace, est l’occasion de revenir sur ce que cette série de films mythiques peut nous apprendre sur les représentations populaires des relations internationales depuis les années cinquante. Bien que souvent accessoire à l’intrigue, le politique sert de toile de fond à toutes les aventures de Bond. Les films de l’agent 007 sont un miroir culturel, mettant en scène la façon dont les enjeux internationaux ont pu être perçus à différentes époques. On passe ainsi de la bonne vieille guerre froide dans Bons Baisers de Russie (1963) à la sécurité énergétique dans L’Homme au pistolet d’or (1974); du trafic international de la drogue dans Vivre et laisser mourir (1973) à l’altermondialisme dans Quantum of Solace (2008) ; de la menace nucléaire dans Opération Tonnerre (1965) aux empires médiatiques dans Demain ne meurt jamais (1997). Développant un discours politique qui leur est propre, les films de Bond proposent aussi une perspective singulière sur ces enjeux. Malgré les variations évidentes liées à l’époque, aux scénaristes ou aux réalisateurs, certains grands thèmes apparaissent de façon régulière, et donnent sens aux grands enjeux internationaux. Une série de 7 textes rédigés par des professeurs du Département de science politique de l’UdeM propose de les explorer.

Éléonore Lépinard + Frédéric Mérand