Le choix du pétrole
Depuis le début de l'année, les adversaires du Premier Ministre Harper et leurs partisans des estrades virtuelles mettent à profit l'échec de Copenhague pour s'en prendre aux politiques environnementales du gouvernement fédéral et au non-respect par le Canada des engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto. La faute en revient évidemment à l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta et au laxisme de nos régulateurs. L'astuce est grossière et le débat présenté dans des termes simplistes. Reprenons la question: devrions-nous nous priver du bitume goudronneux des sables de l'Alberta? Tout le pétrole est sale Devant une image de Fort McMurray qui montre une pyramide de soufre au bord d'un lac glauque, il est normal de s'émouvoir de la dévastation des milieux naturels. L'environnement a toujours été la première victime de l'exploitation pétrolière et ce depuis Titusville en Pennsylvanie où ont eu lieu les premiers forages en 1859, jusqu'aux explorations récentes dans les profondeurs de la mer Caspienne. On a pollué le sol, l'eau, l'air et empoisonné les hommes. Non seulement nous n'avons pas de solution de rechange mais la situation ne peu que se détériorer davantage. Les rendements des gisements de pétrole léger, les plus rentables, parce que moins cher à extraire et à transformer en carburants, diminuent alors que la demande augmente. Ce constat transformé en scénario catastrophe par la thèse du "peak oil", contribue à pousser les prix à la hausse en prédisant l'épuisement des stocks. C'est la cinquième fois dans l'histoire, rappelle Daniel Yergin, dans Foreign Policy (septembre 2009), que l'on annonce la fin du pétrole. Dorénavant les hydrocarbures seront plus difficiles à extraire, encore plus polluants et chers. Nous entrons dans l'époque du pétrole lourd et des carburants synthétiques. Exporter la pollution Supposons un instant que l'extraction des sables bitumineux soit interrompue. Il faudra alors importer l'énergie indispensable. Ce choix reviendrait à tirer avantage des pays où les normes environnementales sont moins contraignantes que les nôtres et où l'autorité des pouvoirs publics n'est pas en mesure de se faire respecter. Une manière, éprouvée depuis longtemps par les entreprises des pays riches, d'exporter la pollution. Mais ce n'est pas seulement l'environnement des autres qui serait sacrifié. Le journaliste Peter Maass raconte dans Crude Oil (2009) comment depuis l'Iran de l'époque du Shah, au Venezuela de Chavez, les institutions politiques sont tombées, victimes de la folie du pétrole. On ne compte plus les conflits, nationaux et internationaux, les luttes pour l'indépendance qui ont pour toile de fond, l'appropriation par un groupe des richesses engendrées par les ressources naturelles. C'est le versant politique de la malédiction de la rente. Il n'y a pas longtemps, il y en a qui souhaitaient interpeller avec force les dirigeants Chinois et les tancer sur le non-respect des droits de la personne. Le réalisme diplomatique nous a rendu, au prix de notre fierté, plus complaisants. Dans l'esprit qui nous animait alors, ne devrions-nous pas nous inquiéter aussi de l'origine de nos importations de pétrole? En effet, pas loin de la moitié de nos importations provient de pays dont les systèmes démocratiques connaissent de très sérieux ratés. Ainsi selon Statistique Canada, en 2006, 20% des importations de pétrole brut du Canada provenaient d'Algérie, 8% d'Iraq (merci George W. Bush), 8% de l'Arabie Saoudite, 4% du Nigeria et 2,6% de l'Angola. Heureusement il y a l'Angleterre (15%) et la Norvège (22%) pour sauver la face. Bref, devons-nous préférer le soutien indirect aux régimes autoritaires des pays producteurs, à la pollution albertaine et aux droits ancestraux des populations qui tirent leur subsistance de ces territoires? Ces interrogations ne datent pas d'hier. En 1880, la demande de kérosène, qui servait à l'éclairage domestique, s'est mise à augmente plus vite que la production. Les prix s'emballèrent, on craignait la pénurie et le retour des villes à la noirceur. Faudra-t-il à nouveau importer l'huile de baleine de Nantucket? Face à tant d'incertitude, il y avait heureusement au Québec un choix simple et rassurant par son évidence: le nationaliste conséquent préférait toujours l'huile de phoque.
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