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29/03/2010

Les énergies improbables

(article paru dans La Presse, lundi le 22 mars 2010)

La course aux substituts du pétrole est ouverte. L’augmentation des prix de l’énergie et le réchauffement de la planète sont les deux principaux motifs qui animent cette quête. Mais on néglige souvent, la concurrence et les batailles politiques, nationales et internationales, qui interviennent dans la détermination du choix de filières énergétiques. C’est pourquoi des technologies performantes comme les biocarburants et le nucléaire seront relégués, probablement pour longtemps, dans la catégorie des énergies improbables.

Des choix politiques

De l’énergie, on en trouve partout, il s’agit de capturer la force du vent, des rivières et des marées, de concentrer la chaleur de la terre et du soleil, de distiller les sucres des plantes, brûler le bois, le charbon, le pétrole et le gaz, ou enfin faire exploser les atomes d’uranium. Toutes ces techniques ont leurs mérites, le choix sera le résultat du jeu politique, l’expression des intérêts et des préférences des citoyens.

Considérons rapidement les biocarburants. Produire la canne à sucre, la betterave sucrière ou du maïs pour en distiller le sucre et l’amidon pour obtenir de l’alcool, ou encore cultiver du soja ou des palmiers à huile pour transformer l’huile extraite en biodiesel, demande des terres agricoles. Celles-ci sont exploitées tantôt aux dépens des productions alimentaires, ou parfois en mettant en danger la forêt originale. L’empreinte environnementale des biocarburants, issus de la transformation du maïs, du soja et du palmier, si on incorpore dans le calcul du cycle de vie, les engrais, la machinerie, les transports et les opérations de transformation, ne représente qu’une économie faible ou nulle d’émissions de carbone par rapport au pétrole. Sans un pétrole cher et d’importantes subventions aux agriculteurs, ces cultures n’existeraient pas. À terme, bien que renouvelables, ces sources d’énergie sont condamnées.

La renaissance du nucléaire

Un physicien vous le dira, l’énergie nucléaire est probablement la plus propre et la plus sûre dont nous disposons. Les statistiques lui donnent raison. Pourtant il ne s’est pas construit un seul nouveau réacteur en Amérique du Nord depuis 1980. Ailleurs dans le monde il y en a 55 en construction, dont 19 en Chine. La technologie et les risques sont les mêmes, c’est la politique qui fait la différence, comme le souligne le rapport du Centre for International Governance Innovation  (

www.carleton.ca/cctc/nef_report.html

).

Peut-on être certain qu’un réacteur ne connaîtra pas de défaillance ? On l’a cru à une époque et malgré toute la science déployée et les précautions prises, nous nous sommes trompés. À l’origine du syndrome du « pas dans ma cour » se trouvent les catastrophes de Three Mile Island (1979) et de Tchernobyl (1986). L’incertitude entraîne la superposition des systèmes de protection et des protocoles sécurité, ce qui provoque une augmentation des délais et des coûts. Il y a aussi les déchets radioactifs dont on ne sait pas se débarrasser, car il n’existe pas de sarcophage étanche.

Un réacteur ne doit pas se fissurer en cas de tremblement de terre, il faut contenir toute fuite de matériaux contaminés, préserver l’air, l’eau et protéger la santé des travailleurs et des populations locales. Le cahier des charges pour assurer la sécurité s’est alourdi le 11 septembre 2001. Dorénavant, les réacteurs doivent résister à l’impact provoqué par l’écrasement d’un gros avion. Assurer la protection des populations n’a pas de prix et il faut compenser les victimes en cas de catastrophe. Enfin, la garantie de l’État est indispensable pour assumer les risques que refusent les compagnies d’assurances.

Au plan international, intervient l’épineux problème de la prolifération des armes nucléaires. L’enrichissement de l’uranium ouvre la voie à la production des armes atomiques. C’est l’enjeu de la très forte tension provoquée par le programme nucléaire Iranien, dont il sera question cet été au Sommet du G8.

Il ne suffit donc pas que les sources d’énergies que nous choisirons soient abordables, renouvelables et respectent l’environnement. Pour guider nos choix il faut associer la science à l’expression politique de nos préférences collectives. La création prochaine d’un marché du carbone, en mettant un prix sur nos craintes, nos attentes et nos priorités, contribuera à informer le débat démocratique.




Comments

du moment que c'est des hommes et pas des femmes qui opérent les centrales, y aura pas de problème!

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