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3 posts from avril 2012

25/04/2012

Frais de scolarité, grèves étudiantes et leçons de politique appliquée

Dans ma chronique de ce mois-ci dans le Toronto Star (édition du 26 avril), j'offre quelques éléments d'explication aux lecteurs hors-Québec qui observent le conflit étudiant chez nous avec ce qui doit être un brin de perplexité. Les frais de scolarité postsecondaires québécois sont les plus bas du Canada. Quel est le problème? Ce petit texte est loin d'être complet, mais c'est aussi loin d'être le dernier mot sur cette question.

Pour lire le texte original, voir le site du Toronto Star

Tuition hikes, student strikes and lessons in applied politics

Today was supposed to be final exam day in my American politics class, but no one will take the test. Instead, we have a full month of classes ahead of us, if a solution ever emerges from secret talks now being held in Quebec City.

Since I have some time on my hands, let’s try to figure out what’s going on. Is there any way out of this mess? Will there be any winners in this game, whether at the polls or in classrooms?

First, however, I have to address the obvious question that readers outside Quebec might ask: Why all the fuss? Quebec’s university tuitions are the lowest in Canada and CEGEPs are virtually tuition-free, so what are people fretting about?

In fact, at the risk of reinforcing the perceptions of mutual indifference that Michael Ignatieff maladroitly brought to the surface recently, Quebecers in general do not pay much attention to what other provinces do, particularly in education. University administrators and policy-makers might like to compare themselves to the rest of Canada but for the vast majority of Quebec students, the Quebec system is as distinct as the society it serves.

Since my own student days, when tuitions were around $500 a year, activists have been clamouring for one of the unrealized promises of the 1960s’ Quiet Revolution: higher education should be seen as a collective good for society as a whole rather than a personal investment made by individuals in search of future income gains, and therefore reformists at the time determined that the new CEGEP system should be tuition-free, and advocated that universities should also one day be tuition-free.

Starting in the late 1980s, however, Liberal governments have instated successive increases in university tuition, up to about $2,400 now. The latest series of increases under Jean Charest’s watch were grudgingly swallowed by students, but the projected $1,625 hike, albeit over five years, was the straw that broke the camel’s back.

Is higher education a public good or a private investment? Of course, in Quebec as elsewhere, it is a mix of the two, but the recent moves by the Charest government tipped the balance toward the latter approach in an unprecedented way, thus clashing with the well-entrenched views of large segments of the population.

This is not the only way in which Quebec’s culture of higher education differs from that of other Canadians. Over the years, the low costs of higher education have made it possible for young adults to pay their own way through university without necessarily relying on their parents’ financial assistance. This expectation of self-reliance is part of what makes Quebec’s culture of higher education distinct, and it is important to take it into account to understand the reaction of many students to the projected tuition hike.

All this being said, however, the student movement is far from united, and many student associations in areas that tend to favour a more “instrumental” view of higher education, such as economics, business or some of the professional schools, have resisted the calls for strike.

Also, the unfortunate association of radical elements prone to violence and vandalism has tarnished the movement in many of its public demonstrations, leading to a gradual erosion of support for their cause, both in the public and inside student bodies.

For example, of my department’s five student associations, one opposes the strike (the politics and economics double majors, unsurprisingly) but others hold on while condemning acts of violence or vandalism (some within our own walls). Whether support for the strike will last as the prospect of losing a semester looms closer is anyone’s guess.

Negotiations are underway to settle the issue for the time being and salvage the semester of thousands of students, mine included. But whatever is bargained for in a closed room shouldn’t be more than a temporary solution. Many students will lose the benefits of a full semester, but they might gain some experience in applied politics.

In the long run, the level of tuitions is a choice that voters should settle, but the atmosphere generated by the strike is unlikely to make decisions any easier for Quebec voters.

If anything, recent polls suggest that this season of student discontent has muddied the waters enough to make Jean Charest’s decision whether to call an election in the spring or in the fall even more of a gamble than it already was.

Pierre Martin is a professor of political science at the Université de Montréal.

19/04/2012

Une commission indépendante pour évaluer la gestion des universités : une fausse bonne idée?

La FEUQ a fait de la création d’une commission indépendante sur la gestion des universités une condition de la reprise des pourparlers dans la grève qui oppose les étudiants au gouvernement de Jean Charest. On évoque l’îlot Voyageur à l’UQAM, le projet d’Outremont de l’Université de Montréal et les errements de la haute administration à Concordia comme autant de cas justifiant la création d’un organisme de surveillance externe. Avec une commission indépendante, la FEUQ pense réaliser des économies qui pourraient amortir  le dégel des frais de scolarité. Les étudiants paieront peut-être le gros de la note, mais l’administration universitaire ne s’en sortira pas indemne non plus. Via la création d’une commission indépendante, les intérêts des fédérations étudiantes et d’autres organisations seront dorénavant institutionnalisés dans les processus de contrôle des administrations universitaires.

Plus de contrôle, plus de bureaucratie

La recherche en administration publique montre clairement qu’en réaction à la création de commission comme celle proposée par la FEUQ, les organisations soumises à des formes de contrôle externe deviennent en général plus centralisée et bureaucratique sur le plan de la gestion. Elles se replient sur elles-mêmes et deviennent moins transparentes. Elles deviennent aussi plus stratégiques dans leur utilisation de l’information. En bref, les contrôles externes bureaucratisent les organisations soumises à leur influence.

La création d’une commission indépendante modifierait en profondeur le fonctionnement interne de l’institution universitaire. C’est peut-être l’objectif recherché, mais que l’on prenne au moins acte des effets à long-terme d’un geste qui semble surtout être motivé par des intérêts stratégiques à court-terme.

La démocratie et le pluralisme dans l’université

Les universités sont parmi les organisations les plus démocratiques de notre société. Les équilibres disciplinaires et intellectuels y sont multiples et fragiles. Sur le plan de sa gestion et de son organisation, l’université est plus collégiale qu’hiérarchique. Les étudiants sont impliqués à tous les niveaux de la vie universitaire, et il est souhaitable qu’il en soit ainsi. Dans chaque département, les associations étudiantes sont des partenaires essentiels dans la résolution des problèmes. Leur dévouement et leur travail favorisent la transparence et la reddition de comptes. Il en est de même pour les professeurs, les syndicats et autres organisations qui participent à la démocratie universitaire.

L’université est un lieu de pluralisme et de débat. Chaque groupe peut librement s’exprimer et questionner les autres. C’est pour cette raison que des scandales comme ceux de l’îlot Voyageur ou du couvent des sœurs à Outremont ont rapidement été mis à jour. Au gouvernement, dans les banques et la grande entreprise, la gestion est beaucoup plus opaque et moins participative.

Bien sûr, l’université n’est pas à l’abri des corporatismes. Mais la collusion des intérêts est moins susceptible de se produire dans un cadre institutionnel décentralisé où chaque groupe ou composante constitue un contrepoids au pouvoir des autres.

Une commission indépendante comme souhaité par la FEUQ viendrait centraliser la gestion universitaire. L’effet probable de cette réforme serait une réduction de l’autonomie de l’université et de ses diverses composantes, dont les associations locales d’étudiants au nom de qui la FEUQ prend position.

En bout de poste, la véritable question est la suivante : Comment un organisme greffé à l’université de l’extérieur par le gouvernement pourrait-il détecter plus efficacement les cas de mauvaise administration que tous les autres contrepoids internes à l’institution?

 

Justin Trudeau - Des propos indignes

Lettre au Devoir

Les propos de Christian Rioux au sujet de Justin Trudeau dans sa chronique du 24 février sont hargneux, mesquins et indignes d’un journal comme Le Devoir. En s’inventant un Justin Trudeau séparatiste, Rioux en profite pour continuer à verser son fiel sur le multiculturalisme. En traitant Trudeau-fils comme un  personnage de « politique-fiction », Rioux dit de lui qu’il est « sans racine », n’a que des droits abstraits, « pas d’histoire, de culture ou de langue ». Il parle un « franglais inaudible ». Il n’est qu’une « identité cosmopolite désincarnée » qui n’a « plus la moindre allégeance nationale ». Ces termes sont socialement durs, comme s’ils étaient tirés presque mot à mot d’un programme du Front national. Les mêmes mots ont déjà été utilisés dans le passé pour faire mal à un peuple que l’on qualifiait aussi d’errant et sans racine. Monsieur Rioux est un homme intelligent. Il faut comprendre qu’au 21ème siècle, le libéralisme porte désormais le nom de multiculturalisme. La recherche de la liberté et de la justice est toujours au cœur du projet. C’est le contexte qui a changé. C’est aux fondements du libéralisme que s’attaquent ceux qui s’inventent des multiculturalismes déshumanisés. Voilà où se situe de nos jours la véritable ligne de fracture politique.