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23/08/2012

Un gouvernement minoritaire péquiste appuyé par les libéraux : l’option la plus intéressante pour le Québec?

Avec la fin des débats des chefs à la télévision, les Québécois ont une idée un peu plus claire des choix politiques à faire le 4 septembre prochain. Aucun de ces choix ne les attire vraiment. Il n’y a pas d’équilibre entre l’offre politique et la demande de la société et de ses citoyens. Les partis politiques, même ceux qui sont apparence plus « nouveaux »,  sont tous figés dans des positions politiques du passé qui ne correspondent plus aux conditions sociales du présent.

Ce qui se passe à droite

La Coalition pour l’avenir du Québec se dit contre les « vieux partis » mais son idéologie est en réalité beaucoup plus vieille que les partis libéral et québécois. Après tout, ce ne serait pas la première fois dans l’histoire de l’Amérique du nord qu’un homme d’affaire utilise sa richesse pour se propulser en politique, comme le montre présentement l’exemple de Mitt Romney aux États-Unis. Monsieur Legault n’est pas le premier à vouloir rendre le gouvernement plus efficace et rationnel en y intégrant les modes de fonctionnement du monde des affaires. L’histoire nous enseigne que ce type de discours est toujours en vogue en périodes de crise politique et économique.

Une gauche qui se cherche

À gauche, Madame David incarne avec grâce l’un des plus beaux et bons côtés de la société québécoise : son sens de l’égalité et de la solidarité. Son élection le 4 septembre prochain assainirait le discours politique à l’Assemblée nationale beaucoup plus que n’importe quelle nouvelle loi ou bureaucratie concernant l’éthique. Mais la formation partisane de Madame David semble parfois plus s’inspirer du vocabulaire de libération nationale populiste d’Hugo Chavez que de la social-démocratie au pouvoir en Europe. La mondialisation économique et le pluralisme culturel grandissant des sociétés imposent des limites au dirigisme d’État. L’égalité au 21ème siècle ne peut plus se penser sous la forme d’une taille unique pour tous. Elle doit plutôt être davantage taillée sur mesure, en fonction des identités et des appartenances multiples des citoyens.

Pour une coalition du centre

Reste donc les partis québécois et libéral. Comparés à la CAQ et à Québec solidaire, le PQ et le PLQ se situent plus au centre du spectre politique. Leur agenda sur le plan économique est globalement le même. Raymond Bachand est, après tout, un ancien péquiste. Il favorise une approche stratégique de l’État. Sur l’enjeu du développement économique, le PQ et le PLQ sont comme « bonnets blancs et blancs bonnets ».

Un autre élément en commun entre le PQ et le PLQ est qu’ils sont issus de la même équipe de réformateurs centristes assemblée par Jean Lesage dans les années soixante. Ceux comme René Lévesque qui sont devenus péquistes en 1968 étaient auparavant des libéraux. Le temps de la Révolution tranquille - avant qu’il ne se divise en fraction fédéraliste et souverainiste - le centre politique québécois a montré qu’il pouvait faire de grandes choses. Ce centre n’a pas tenu ensemble très longtemps, mais ceci importe peu car il a mis en place des politiques et des institutions qui ont subséquemment structuré et favorisé le développement de la société québécoise.

La nécessaire alternance au pouvoir

Les sondages montrent le PQ en avance mais une majorité ne semble pas s’être encore cristallisée dans l’opinion publique. Un PQ qui obtiendrait une pluralité de sièges sans majorité ne pourrait pas déclencher de référendum. Il y aurait une diminution de l’incertitude politique. Madame Marois serait la première soulagée.

Le scénario d’un PQ minoritaire appuyé par la CAQ est peu probable. Marois et Legault sont des rivaux de toujours. Une alliance entre le PQ et la CAQ n’est pas non plus préférable pour la société. Elle risquerait de faire ressortir les plus mauvais côtés de la politique identitaire du nationalisme québécois. Le PQ et la CAQ se concurrenceraient  pour savoir qui est le « plus vrai » québécois des deux. Les débats sur le crucifix occuperaient toute la place.

Un scénario où le PQ a plus de sièges implique que Jean Charest a perdu son pari. Sa défaite serait la bienvenue pour la démocratie. Monsieur Charest a fait trois mandats et été premier ministre pendant presque 10 ans. Un coup de balai s’impose maintenant. L’alternance est la norme en régime parlementaire de bipartisme.

Une fois Monsieur Charest parti, le leadership du PLQ serait à prendre. Un nouveau (ou une nouvelle) chef libéral pourrait vouloir collaborer avec le PQ pour gouverner le Québec au centre de l’échiqiuer politique. Une telle coalition pourrait entreprendre des réformes attendues depuis longtemps, tel un mode de scrutin proportionnel, plus proche des pratiques corporatistes et consensuelles de la gouvernance québécoise.

« Deux têtes valent mieux qu’une »

En temps de crise cet adage peut être utile. Face aux soubresauts de l’économie mondiale, l’intelligence et l’expérience cumulées du PQ et du PLQ pourraient donner un « gouvernement du tonnerre », semblable à celui d’où les péquistes et les libéraux d’aujourd’hui tirent leurs origines.

Le chef de la CAQ se prend parfois pour Jean Lesage. Monsieur Legault devrait pourtant savoir que la Révolution tranquille s’est faite au centre, pas à droite.

La CAQ dit qu’il faut laisser de côté l’opposition entre souverainistes et fédéralistes pour s’attaquer « aux vraies affaires ». Mais les projets politiques et les « vraies affaires » d’une société ne sont jamais séparables l’un de l’autre. Ce sont les premiers qui définissent les secondes. Il est impossible de réformer une société en profondeur sans lui donner de vision politique pour la mobiliser et lui donner le goût de changer.

Une opportunité à saisir

Les institutions et les structures ont la vie dure.  Même s’ils sont le reflet de conditions sociales du passé qui n’existent plus aujourd’hui, les partis politiques ne changent pas facilement.  Ils perdurent plutôt dans leurs habitudes et leurs routines. C’est pourquoi le scénario décrit ci-haut ne verra probablement jamais le jour. Mais il y aura eu un moment dans l’histoire, dans l’évolution des structures et des institutions, où ceci aurait pu être possible. Il y a une fenêtre d’opportunité que les acteurs peuvent décider de saisir ou non. Un moment où les acteurs ont le pouvoir de refaire les structures et les institutions.  

Le scénario d’une sorte de gouvernement d’union nationale - comme les Allemands ont souvent connu – n’est pas irréaliste dans les conditions actuelles. Une coalition PQ-PLQ serait l’équivalent québécois du gouvernement de technocrates au pouvoir à Rome en ce moment. Marois, Bachand et leur entourage sont presque tous issus de l’État du Québec. Ils sont la variante québécoise du phénomène des Énarques en France.  Ils font parti d’une élite issue du sommet de l’État, habituée à franchir la frontière entre la politique et la haute administration publique. Quand cette élite de l’État est capturée par les intérêts économiques, elle peut devenir parasitique pour sa société. Mais au service de l’intérêt général, elle est aussi capable de donner à la société un gouvernement d’intelligence pour la rendre plus résiliente et l’aider à tirer son « épingle du jeu » de la mondialisation.

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