11 posts categorized "Philippe Faucher"

03/02/2011

Tartuffe en habit vert

(Texte paru le 31 janvier dans La Presse)

Au lieu de nous unir et de nous mobiliser autour d’une noble cause, la protection de l’environnement nous divise. Le ton des échanges est devenu agressif jusqu’à atteindre la stridence des affrontements passés entourant la question nationale. Je pense tout naturellement à la controverse à propos de l’exploitation des gaz de schistes, mais la tension dans le reste du Canada est tout aussi vive autour des sables bitumineux.

C’est le bilan désolant que m‘inspire la lecture du livre d’Ezra Levant, Ethical Oil (2010). L’ouvrage se veut une défense percutante du pétrole albertain. L’argument central, n’en déplaise au ministre de l’Environnement Peter Kent, qu’il l’a resservi devant les micros, n’est pas recevable. L’éthique relève des valeurs morales et réfère aux comportements des individus qui les pratiquent. Le pétrole provenant des sables bitumineux n’est pas plus ni moins éthique que ne l’est le sirop d’érable. On ne peut pas exonérer une industrie qui émet une trop grande quantité de gaz à effet de serre sous prétexte que l’extraction du pétrole au Nigéria pollue davantage, ou que le Canada est plus démocratique que les pays producteur du Golfe. Il est vrai qu’interrompre l’exploitation des sables bitumineux ne diminuera en rien la consommation de pétrole et n’aura qu’un effet marginal sur les émissions mondiales de CO2.

C’est sur ce qu’il nous apprend sur la manipulation de l’opinion à laquelle se livrent les organisations non gouvernementales que les révélations de l’ouvrage sont les plus dérangeantes. Informer, éduquer sont des objectifs louables, c’est ce que font les meilleurs militants écologistes.  Mais profiter de la sympathie qu’inspire une cause ou effrayer l’opinion dans le but d’en retirer un profit revient à polluer le débat. La confiance est essentielle à la vie en société car la méfiance paralyse le fonctionnement des institutions et mine les rapports entre individus.

Malheureusement la méfiance s’est insinuée dans nos débats sur l’environnement. C’est au point qu’il est très difficile de faire confiance à tous ces spécialistes, qui ont à cœur notre bien. L’environnement est à vendre. Comme des prédicateurs corrompus, les hauteurs morales de l’écologie sont encombrées de charlatans.

Ezra Levant expose les stratégies des groupes environnementaux, mais aussi des entreprises et des banques d’investissements qui dénoncent sans retenu l’exploitation des sables bitumineux pour accroître leurs revenus. Parmi les entreprises mises en cause, il y a les fonds d’investissements éthiques des institutions financières. La Co-operative Bank d’Angleterre par exemple, qui dénonce publiquement l’exploitation des sables bitumineux tout en détenant des actions de Shell, Total et BP toutes très actives dans le secteur.

Elle n’est pas la seule. Le Fond Desjardins Environnement est aussi mentionné (p.100). J’admets fort bien qu’un épargnant souhaite tirer profit des revenus provenant des sables bitumineux. Après tout, en dehors des banques et de l’énergie, il n’y a pas beaucoup de choix d’entreprises à risque modéré dans lesquelles investir au Canada. Je supposais, naïvement sans doute, que dans un fond-environnement on privilégiait les entreprises engagées dans des activités non-polluantes; au risque de nuire au rendement. Je m’étonne donc de constater que les titres qui dominent le Fond Desjardins Environnement sont Talisman (6,4%), rendue célèbre par les gaz de schistes, et Suncor (5,5%). Cette dernière est le plus grand producteur de pétrole provenant des sables bitumineux (323 000 bpj en décembre). Soyons rassurés, l’investissement responsable exclue le nucléaire.

Il est vrai que Suncor a consacré des sommes importantes pour éliminer les étangs de résidus toxiques qui font tant de tord aux canards qui s’aventurent à leur surface et à la réputation internationale du Canada. C’est probablement ce qui lui a valu de satisfaire aux indicateurs de performance environnementale des stratèges de Desjardins.

Personne ne gagne au jeu des exagérations et à la manipulation de l’opinion. Les débats entourant les sables bitumineux et les gaz de schistes donnent raison à ceux et celles qui déplorent que l’environnement soit devenu la religion de l’époque, avec son lot de mauvaise foi et d’abus. Si Tartuffe, ce faux dévot, m’était conté, j’en ferais un militant écologique ou un spécialiste des finances.

10/12/2010

Le protectionnisme libre

(texte paru lundi le 29 novembre dans La Presse)

Pourquoi fallait-il interdire la vente de PotashCorp? Parce que l’ouverture aux échanges commerciaux et la coordination nécessaire des politiques monétaires qui sont associées à la mondialisation ne doivent pas faire oublier la concurrence intense qui sévit sur les marchés internationaux. Tous les États, tentent, avec plus ou moins de bonheur et de transparence, de soutenir les entreprises nationales et de défendre leur marché domestique. Au pays, nos dirigeants appliquent avec constance une stratégie de développement national où alterne la promotion du libre-échange avec des mesures protectionnisme.

Le développement du commerce est essentiel à la croissance de l’économie canadienne. Les gouvernements  - les provinces participent aux discussions - sont très actif à l’échelle internationale pour faire tomber les barrières commerciales et surtout, par la signature d’accords de libre-échange, protéger nos exportations des velléités protectionnistes conjoncturelles. Le projet d’accord de libre-échange entre le Canada et l’Europe, amorcé il y a 18 mois devrait être lancé dès le printemps 2011. Dans la foulée du G20 et du Sommet de l’APEC (Coopération économique Asie-Pacifique), le gouvernement  canadien a annoncé le lancement de discussions devant mener à des entente de libéralisation commerciale avec l’Inde et le Japon.  Des négociations sont également en cours avec la Corée, la République Dominicaine, l’Ukraine, Singapour, le Maroc, la Turquie, le Marché commun des Caraïbes, et l’Amérique Centrale (Guatemala, Salvador, Honduras et Nicaragua). Au cours des deux dernières années, huit accords de libre-échange (Colombie, Pérou, Norvège, Jordanie …), sont entrés en vigueur. L’hyperactivité bilatérale déployée devrait se traduire par un accès aux marchés et donc des gains pour les entreprises, beaucoup plus important que ce qui aurait été obtenu si la ronde de l’OMC, aujourd’hui suspendue, aboutissait.

Mais la libéralisation à ses limites. Pas question de laisser des entreprises étrangères tirer bénéfice de notre marché ou s’approprier nos richesses sans contrepartie. C’est le principe, en plus d’accéder aux demandes insistantes du gouvernement de la Saskatchewan, qui a prévalu dans la décision du cabinet fédéral de bloquer l’achat de PotashCorp par le consortium anglo-australien BHP Billiton. Règle générale : les pays n’ont aucun intérêt à se départir de leurs actifs et accroître leur endettement en accueillant sans contrepartie le surplus de liquidité des multinationales étrangères.  Cette position défend notre autonomie financière, luxe que les pays en développement, pauvres en capital, ne peuvent pas de permettre. Le choix protectionniste d’Ottawa prévient la vulnérabilité qui accompagne l’endettement.

Après des atermoiements de près de 5 ans, le gouvernement du Québec a réagi et voté la loi 116 qui accorde au consortium Bombardier Alstom le contrat des voitures du métro de Montréal. Il aura fallu à peine 5 articles dans la nouvelle loi pour réaffirmer l’évidence : les grands équipements collectifs sont réservés aux producteurs locaux. Dans la mesure où l’ouverture négociée des marchés publics se fait dans le cadre d’accords de libre-échange avec des marchés plus importants (Europe, Inde, Japon), les entreprises canadiennes, à compétence technologique égale et contant sur l’apport du financement préférentiel autorisé, devraient être avantagées.

Le Canada est une grande puissance économique. Dans le monde, on reconnait volontiers le pragmatisme tranquille, la régulation prudente qui n’interdit pas l’opportunisme volontariste de nos politiques économiques. Pour les observateurs étrangers, la compétence dont font preuve les gouvernements fédéral et provinciaux ne fait pas de doute. Ici on préfère s’indigner des improvisations, incertitudes et autres cafouillages de nos décideurs et plus généralement déplorer la dictature du marché et la vulnérabilité partisane à laquelle le monde politique serait soumis. Le contraste est frappant.

La conduite de notre politique économique est un modèle de transparence, ce qui n'interdit pas quelques zones d'ombre. Ainsi l’application des normes qui régissent le commerce et les multiples conventions internationales auxquelles nous souscrivons est rigoureuse. L’épisode de PotashCorp ne justifie pas de changer les règles qui s’appliquent aux investissements. Au contraire, le flou actuel entourant l’application des critères autorisant les investissements étrangers assure une marge de manœuvre indispensable. Pour nous, comme pour nos partenaires, l’affirmation

23/11/2010

Notre gaz est-il à l'eau ? (texte paru dans La Presse)

Cette fois l'affaire est sérieuse et il n’y aura pas d’échappatoire.  La décision du BAPE sur l’exploitation du gaz de schiste et ses suites politiques inévitables servira de test décisif à la volonté collective de donner vie à notre version du développement durable. Maintenant que la tentation du gaz de schiste est à portée de forage, il faut sortir de la théorie verte et choisir. Rater l'aventure du gaz, c'est nous mettre en situation de perte d'autonomie.

Le Shale de l’Utica, qui s’étend sur une partie de la vallée du Saint-Laurent pourrait contenir assez de gaz pour satisfaire notre demande de consommation pendant 200 ans et apporter de l’argent – autour de $56 millions par an en redevances selon l’évaluation de mon collègue Jean-Thomas Bernard -  dans les coffres de la Province. Mais il y a un risque environnemental à prendre.

En tout, 28 forages ont été effectués dans les schistes du Québec depuis 2007, dont 7 en 2010. Or le débat public a débuté cet été. Je m'interroge : quand avons franchis le point d’inflexion de l’intolérance collective au forage ; était-ce au 22ième ou au 26ième trou?

Supposons que nous choisissions la voie familière de l'accommodement. En effet, entre le laisser-faire et l'interdiction pure et simple, déguisée en moratoire, il y a le développement durable. L'exploitation du gaz de schiste fournit l'occasion de donner à ce concept creux un début de contenu. Dans cette perspective, au moins trois questions méritent un examen attentif. Ainsi l'expérience considérable développée aux Etats-Unis nous apprend que la technique dite de "fracturation" hydraulique de la roche réservoir présente un risque réel de contamination des eaux de surface. Aussi, notre législation minière prévoit que les désagréments découlant de l'exploitation des richesses du sous-sol incombent aux résidents des régions productrices alors que les redevances reviennent à l'État et disparaissent dans les tréfonds des finances publiques. Il s’agit-là d’une source importante de tensions potentielles. Enfin, n'oublions pas nos engagements internationaux, lesquels nous imposent de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) à toutes les étapes des opérations. Sur ces enjeux, des solutions existent et l'expérience des autres pays producteurs ainsi que les études et témoignages présentés aux audiences du BAPE sont des sources d'inspirations fort utiles (www.bape.gouv.qc.ca).

 Tout d'abord il va falloir apprendre à partager. De la même manière que Québec exige d’Ottawa les redevances d’une éventuelle exploitation du gisement Old Harry, il est important que les régions et municipalités où se fera l’extraction en retirent des bénéfices palpables. Puis il faudra s'assurer que les entreprises détentrices des permis de production respectent les milieux naturels et que les contrats incluent des clauses portant sur la remise en état des lieux suite à l’exploitation. En troisième lieu, l’aventure du gaz de schiste aura plus de chance de susciter une adhésion populaire si le gouvernement consacre une part significative des revenus à des programmes de soutien aux énergies propres. Finalement l’industrie du gaz devra s’engager à compenser, sur l'ensemble du cycle de production, pour les émissions de GES. Le respect de ces quatre conditions participe à la partie durable de l’accommodement proposé.

Au centre de la confrontation en cours, qui oppose le développement à l'environnement, se trouve la délicate question de l'eau. Concrètement il faut s'assurer que l'on saura disposer proprement des fluides de fracturation, car ceux-ci contiennent, dans une proportion de 1%, des produits chimiques nuisibles. Une partie sera pompée et recyclée. Surtout il faut s'assurer que le liquide enfouis ne profite pas de failles naturelles de la roche et trouve son chemin dans la nappe phréatique proche de la surface. Des solutions techniques existent et une nouvelle réglementation, inspirée des meilleures pratiques, est en cours d'élaboration. Malgré tous ces efforts, on ne pourra éliminer la possibilité d'un retour des eaux contaminées. Sur les milliers de forages nécessaires, de l'ordre de 200 par an, la probabilité qu'un accident se produise est élevée. Tout développement s'accompagne d'une part de risque, on ne saurait éliminer l'incertitude. Alors, c'est l'eau ou le gaz?

08/10/2010

Bien joué, Lula (texte paru dans La Presse du 5 octobre 2010)

Le pari était osé. On mesure l'ascendant du Président Luiz Inacio Lula da Silva sur son parti quand, à la surprise de tous, il a annoncé fin 2008 que Dilma Roussef, une technocrate jamais élue, serait la candidate du Parti des Travailleurs (PT) à l'élection présidentielle de l'automne 2010. Celle-ci, ancienne militante, emprisonné par la dictature militaire (1964-1985) pour sa participation à la lutte armée, n'a rejoint le PT qu'en 2000. Elle occupait à Brasilia, au sein du cabinet, les fonctions de Chef de la maison civile. Administratrice compétente mais inconnue du public, elle faisait face à José Serra, le gouverneur de l'État de São Paulo qui s'était illustré comme ministre fédéral de la santé. Conséquent pour la cause, généreux de sa personne, et surtout parce que Dilma n'a pas sa propre lumière, Lula, tout charme et charisme déployé, a fait la campagne de sa candidate.

Lula aura tenu sa promesse de "gouverner pour tous". Après 8 ans de présidence le Brésil est aujourd'hui plus riche et la pauvreté recule. Pas étonnant que près de 47% des électeurs aient voté dimanche pour "répéter la dose" et appuyé Dilma, contre 33% pour Serra et 19% pour les Verts de Marina Silva, une dissidente du PT. Le second tour du 31 octobre ne sera qu'une formalité pour que Dilma Roussef, soit élue première femme Présidente du Brésil.

Lula a fait fructifier l'héritage de son prédécesseur, Cardoso (1995-2002). Il a poursuivi la gestion monétaire orthodoxe, amplifié les programmes de redistribution destinés aux plus pauvres et lutté contre l'évasion fiscale. Il a projeté, de Cancun à Copenhague et jusqu'à Téhéran, la diplomatie brésilienne au premier plan des grandes instances de la gouvernance internationale. La croissance a été favorisée par la hausse des prix et la demande exceptionnelle pour les exportations de matières premières et de produits agricoles.

L'extrême pauvreté régresse. Contre allocations, les familles qui bénéficient de la "bourse famille" (12,5 millions de foyers soit 40 millions de personnes), doivent faire vacciner leurs enfants et les envoyer à l'école, les femmes enceintes doivent se présenter régulièrement à des examens médicaux. Résultat, la malnutrition infantile a diminué de moitié et la durée moyenne de scolarisation a augmenté de plus de 2 ans. Les plus riches profitent des taux d'intérêts avantageux (10% en moyenne pour 2010) des titres de la dette. Le pouvoir d'achat en hausse pousse la construction immobilière et la consommation des ménages. Les grandes entreprises reçoivent des prêts à taux préférentiels de la Banque nationale de développement économique et sociale.

Tout le monde est content, ou presque. À gauche comme à droite on déplore la lenteur et l'insuffisance des réformes. Les paysans sans terre attendent encore la réforme agraire promise. Les écologistes s'inquiètent de l'inaction gouvernementale alors que les OGM s'approprient les cultures. Le patronat s'impatiente du "coût Brésil" causé par l'extrême lourdeur de l'appareil bureaucratique, la complexité du régime fiscal et l'insuffisance des infrastructures, particulièrement en énergie et dans les transports.

La Présidente élue voudra s'affirmer et ne pas gouverner à l'ombre de Lula. Minoritaire dans les deux assemblées du Congrès, elle devra satisfaire les partis de sa coalition et tout particulièrement son allié principal le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB). Déjà ce parti, plus opportuniste qu'idéologique, a fait connaître ses attentes dans le partage des postes à tous les échelons de l'administration. Ce qui a été dit de Cardoso et de Lula se répètera pour Dilma; elle devra, pour gouverner, pactiser avec les conservateurs.

 

 

La course à l'énergie (texte paru dans la Presse le 20 septembre 2010)

Nous consommons toujours plus d'énergie. Il est prévu que la demande augmentera de 40% au cours des 20 prochaines années. Les principales sources d'énergie sont le charbon, le pétrole et le gaz, pour 80% du total consommé. La croissance de l'économie, particulièrement des pays émergents est la grande responsable de cette augmentation. Il faudra investir des milliards pour éviter la pénurie. Les producteurs d'énergie et les fabricants d'équipements exultent, ils devront développer des technologies plus performantes et plus propres, renouveler les infrastructures désuètes et toujours creuser et forer davantage. Préserver l'environnement est un défi et ouvre des perspectives d'affaires très intéressantes. Le capitalisme prospère alors que la planète étouffe. Malgré l'urgence climatique, il n'y a pas eu beaucoup d’annonces de renouveau dans les propos entendus au Congrès mondial de l'énergie la semaine dernière.

Subventionner la croissance

Pour stimuler l’activité économique, les gouvernements subventionnent la consommation d’énergie et les entreprises qui la produisent. À Caracas le gallon d’essence coûte moins de 10 sous. En Inde, le charbon se vend pour la moitié du prix international de référence ; c’est la principale source (54%) d’énergie de ce pays. La politique de stimulation de la demande ne se limite pas aux pays en développement. Les subventions accordées au gaz sont responsables en Europe d’un accroissement de la consommation de l’ordre de 30 milliards de mètres cubes. On pense aussi à l'électricité du Québec. Au total, selon une agence des Nations Unies, la consommation d'énergie est stimulée au coût de 300 milliards de dollars en subventions et exemptions fiscales, dont la plus grande partie va aux hydrocarbures.

Donc, les gouvernements stimulent l'activité économique en subventionnant l’énergie. La croissance qui en résulte entraine à son tour une augmentation de la consommation énergétique. Résultat, il faut toujours plus d’énergie et la demande augmente plus vite que la croissance. Pendant ce temps, le tiers le plus pauvre de la population mondiale n’a pas accès à l’électricité. Il est plus que temps de revoir ce modèle qui mène droit à la catastrophe.

Forons

La révolution des dernières années vient, aux dires de Peter Voser, PDG de Royal Dutch Shell, de l’exploitation des gaz de schistes. Compte tenu des innovations technologiques, les réserves connues exploitables pourraient durer 200 ans. L'augmentation de la production jointe à la récession ont fait chuter le prix du gaz de moitié, c'est une mauvaise nouvelle pour l'éolien. Des formations gigantesques de schistes gaziers longent la chaîne des Appalaches du Tennessee à la vallée du Saint Laurent. Les formations géologiques s’appellent Devonian, Marcellus et Utica. Sur une carte, vue au kiosque d’un éditeur spécialisé, les points de forage de la formation Marcellus, colorés en rouge, étaient si rapprochés qu’ils couvraient entièrement la Pennsylvanie, s’étendaient sur une partie de l’État de New York et se dirigeaient en rangs serrés en direction du Québec.

Efficacité

Les hydrocarbures domineront encore pour longtemps le bilan énergétique mondial. À l'horizon de 2050, il est prévu qu'ils représenteront encore 70% de la consommation énergétique. Le scénario de base prévoit qu’en 2030, la voiture électrique ne représentera que 9% de la flotte de véhicules légers. Ces prévisions sont sans doute ce qui a inspiré cette perle de vérité teintée d'arrogance du Président de l’ARAMCO, la grande compagnie pétrolière d’Arabie Saoudite, quand il a déclaré : « sans nous, le monde serait immobile".

L'industrie est engagée dans une course à l'efficacité. Innover est une obligation pour produire davantage, mieux exploiter la ressource et améliorer les infrastructures de transport et de distribution. L'environnement est un défi - les ingénieurs s'épanouissent devant les défis – alors on développe des technologies pour capturer le gaz carbonique, vitrifier les déchets nucléaires et brûler le charbon proprement. Mais l'innovation doit aussi venir des gouvernements dont les régulations imprévisibles et incohérentes nuisent à la capacité de prise de risque des investisseurs.

Au bilan de ce congrès: transformer le système énergétique ne peut pas venir des entreprises ou des gouvernements. Greenpeace aura le dernier mot. Il va falloir forcer la machine et imposer aux décideurs l'obligation morale d'agir. Steven, passes moi la mélasse!

 

 

 

14/05/2010

Al Gore a tort?

Ce texte est paru dans le journal La Presse, sous le titre « La dissidence muselée » en page A20, le 19 avril 2010.

Si Al Gore se trompait et nous entraînait dans son erreur? Le réchauffement et les gaz à effet de serre ne sont pas à mettre en cause. C’est leur relation qui demeure mal comprise. L’augmentation du CO2 dans l’atmosphère est-elle responsable du réchauffement climatique, ou est-ce au contraire la hausse des températures, causées par exemple par une plus grande activité solaire, qui provoquerait une augmentation des émissions des gaz à effet de serre, de la vapeur d’eau et autres particules en suspension? Le sens de la causalité, on l’aura compris, met en cause l’importance de la responsabilité de l’activité humaine dans les changements climatiques. Est-il permis de douter ou l’affaire, une fois pour toute, est entendue?

La science est politique

Le changement climatique est la grande affaire qui mobilise les meilleures ressources de la science et le monde politique. La cohabitation est difficile; la science n’aime pas les dogmes et la politique tolère mal la dissidence. Ni la climatologie, qui se propose d’expliquer les causes des changements climatiques, et encore moins la météorologie, qui étudie les phénomènes atmosphériques, n’apportent de certitude. Pour l’une comme pour l’autre, les séries d’observations sont trop courtes et imprécises, si bien qu’il faut recourir aux modèles, lesquels, tout aussi sophistiqués soient-ils, exigent le recours à des hypothèses simplificatrices. Le procédé autorise des conclusions, mais au prix d’une marge d’erreur – source de doute - qui peut être importante.

Claude Allègre est un géochimiste respecté et un homme politique. Il a été ministre de l’éducation, de la recherche et de la technologie sous le gouvernement Jospin. Dans un livre récent, il dénonce L’imposture climatique (Paris, Plon 2010). Il aime manifestement la controverse et s’en donne à cœur joie. D’un même souffle, il met en cause les travaux et interprétations des scientifiques du climat, les méthodes de travail du Groupement international pour l’étude du climat (GIEC) créé en 1988 par les Nations Unies, les dirigeants de partis environnementalistes et les journalistes. Inutile de dire qu’il ne lui reste plus beaucoup d’amis, la tradition républicaine de la lapidation à coup de pavés suit son cours.

Les khmers verts

Le CO2 augmente, c’est un gaz à effet de serre, donc son augmentation dans l’atmosphère provoque une élévation de la température; le raisonnement est imparable. Al Gore a frappé les imaginations en présentant dans son film une courbe en forme de bâton de hockey, présentant une projection de l’augmentation des taux de CO2 dans l’atmosphère accompagnée d’une courbe montrant la hausse de température qui s’ensuivrait. Il s’avère, nous dit Allègre, que les observations climatologiques montrent que les deux phénomènes ont évolué, dans l’histoire ancienne et récente, de manière indépendante. Il y aurait donc plusieurs causes, autres que le CO2, au réchauffement de la planète.

L’autre dimension de l’imposture concerne ce qu’Allègre appelle la stratégie du consensus. Il s’en prend aux exagérations, inspirées par le GIEC, amplifiées par les médias et reprises par les politiciens. Chaque rapport (www.ipcc.ch/) est plus alarmiste que le précédent. Parce le message s’use, les membres du GIEC doivent parler fort et d’une seule voix. S’il y a dissension les politiciens concurrents se contrediront et alors l’opinion des scientifiques ne sera pas entendue (page 190). Qui dit consensus ne veut pas dire unanimité, mais les voies dissidentes, au risque de déplaire, sont rares; muselées prétend Allègre.

Les méthodes de travail du GIEC, trop soucieux de conforter le consensus, ont fait l’objet de critiques sérieuses. Des erreurs ont été commises et ont été reconnues. L’enjeu est considérable car la thèse du changement climatique est devenue facteur de cohésion sociale – tout le monde est vert - et inspire des choix politiques et économiques aussi fondamentaux, car ils modifient profondément nos modes de vie, que coûteux.

La vache folle, le passage informatique à l’an 2000, la grippe aviaire puis la grippe H1N1, illustrent autant le rôle primordial de la science, que sa récupération politique entraînant des mesures parfois excessives de précautions. La protection de l’environnement ne se fera pas à coups de pavés; d’où l’importance de séparer savoir et pouvoir.

29/03/2010

Les énergies improbables

(article paru dans La Presse, lundi le 22 mars 2010)

La course aux substituts du pétrole est ouverte. L’augmentation des prix de l’énergie et le réchauffement de la planète sont les deux principaux motifs qui animent cette quête. Mais on néglige souvent, la concurrence et les batailles politiques, nationales et internationales, qui interviennent dans la détermination du choix de filières énergétiques. C’est pourquoi des technologies performantes comme les biocarburants et le nucléaire seront relégués, probablement pour longtemps, dans la catégorie des énergies improbables.

Des choix politiques

De l’énergie, on en trouve partout, il s’agit de capturer la force du vent, des rivières et des marées, de concentrer la chaleur de la terre et du soleil, de distiller les sucres des plantes, brûler le bois, le charbon, le pétrole et le gaz, ou enfin faire exploser les atomes d’uranium. Toutes ces techniques ont leurs mérites, le choix sera le résultat du jeu politique, l’expression des intérêts et des préférences des citoyens.

Considérons rapidement les biocarburants. Produire la canne à sucre, la betterave sucrière ou du maïs pour en distiller le sucre et l’amidon pour obtenir de l’alcool, ou encore cultiver du soja ou des palmiers à huile pour transformer l’huile extraite en biodiesel, demande des terres agricoles. Celles-ci sont exploitées tantôt aux dépens des productions alimentaires, ou parfois en mettant en danger la forêt originale. L’empreinte environnementale des biocarburants, issus de la transformation du maïs, du soja et du palmier, si on incorpore dans le calcul du cycle de vie, les engrais, la machinerie, les transports et les opérations de transformation, ne représente qu’une économie faible ou nulle d’émissions de carbone par rapport au pétrole. Sans un pétrole cher et d’importantes subventions aux agriculteurs, ces cultures n’existeraient pas. À terme, bien que renouvelables, ces sources d’énergie sont condamnées.

La renaissance du nucléaire

Un physicien vous le dira, l’énergie nucléaire est probablement la plus propre et la plus sûre dont nous disposons. Les statistiques lui donnent raison. Pourtant il ne s’est pas construit un seul nouveau réacteur en Amérique du Nord depuis 1980. Ailleurs dans le monde il y en a 55 en construction, dont 19 en Chine. La technologie et les risques sont les mêmes, c’est la politique qui fait la différence, comme le souligne le rapport du Centre for International Governance Innovation  (

www.carleton.ca/cctc/nef_report.html

).

Peut-on être certain qu’un réacteur ne connaîtra pas de défaillance ? On l’a cru à une époque et malgré toute la science déployée et les précautions prises, nous nous sommes trompés. À l’origine du syndrome du « pas dans ma cour » se trouvent les catastrophes de Three Mile Island (1979) et de Tchernobyl (1986). L’incertitude entraîne la superposition des systèmes de protection et des protocoles sécurité, ce qui provoque une augmentation des délais et des coûts. Il y a aussi les déchets radioactifs dont on ne sait pas se débarrasser, car il n’existe pas de sarcophage étanche.

Un réacteur ne doit pas se fissurer en cas de tremblement de terre, il faut contenir toute fuite de matériaux contaminés, préserver l’air, l’eau et protéger la santé des travailleurs et des populations locales. Le cahier des charges pour assurer la sécurité s’est alourdi le 11 septembre 2001. Dorénavant, les réacteurs doivent résister à l’impact provoqué par l’écrasement d’un gros avion. Assurer la protection des populations n’a pas de prix et il faut compenser les victimes en cas de catastrophe. Enfin, la garantie de l’État est indispensable pour assumer les risques que refusent les compagnies d’assurances.

Au plan international, intervient l’épineux problème de la prolifération des armes nucléaires. L’enrichissement de l’uranium ouvre la voie à la production des armes atomiques. C’est l’enjeu de la très forte tension provoquée par le programme nucléaire Iranien, dont il sera question cet été au Sommet du G8.

Il ne suffit donc pas que les sources d’énergies que nous choisirons soient abordables, renouvelables et respectent l’environnement. Pour guider nos choix il faut associer la science à l’expression politique de nos préférences collectives. La création prochaine d’un marché du carbone, en mettant un prix sur nos craintes, nos attentes et nos priorités, contribuera à informer le débat démocratique.




25/02/2010

Le choix du pétrole

Depuis le début de l'année, les adversaires du Premier Ministre Harper et leurs partisans des estrades virtuelles mettent à profit l'échec de Copenhague pour s'en prendre aux politiques environnementales du gouvernement fédéral et au non-respect par le Canada des engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto. La faute en revient évidemment à l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta et au laxisme de nos régulateurs. L'astuce est grossière et le débat présenté dans des termes simplistes. Reprenons la question: devrions-nous nous priver du bitume goudronneux des sables de l'Alberta?

Tout le pétrole est sale

Devant une image de Fort McMurray qui montre une pyramide de soufre au bord d'un lac glauque, il est normal de s'émouvoir de la dévastation des milieux naturels. L'environnement a toujours été la première victime de l'exploitation pétrolière et ce depuis Titusville en Pennsylvanie où ont eu lieu les premiers forages en 1859, jusqu'aux explorations récentes dans les profondeurs de la mer Caspienne. On a pollué le sol, l'eau, l'air et empoisonné les hommes. Non seulement nous n'avons pas de solution de rechange mais la situation ne peu que se détériorer davantage.

Les rendements des gisements de pétrole léger, les plus rentables, parce que moins cher à extraire et à transformer en carburants, diminuent alors que la demande augmente. Ce constat transformé en scénario catastrophe par la thèse du "peak oil", contribue à pousser les prix à la hausse en prédisant l'épuisement des stocks. C'est la cinquième fois dans l'histoire, rappelle Daniel Yergin, dans Foreign Policy (septembre 2009), que l'on annonce la fin du pétrole. Dorénavant les hydrocarbures seront plus difficiles à extraire, encore plus polluants et chers. Nous entrons dans l'époque du pétrole lourd et des carburants synthétiques.

Exporter la pollution

Supposons un instant que l'extraction des sables bitumineux soit interrompue. Il faudra alors importer l'énergie indispensable. Ce choix reviendrait à tirer avantage des pays où les normes environnementales sont moins contraignantes que les nôtres et où l'autorité des pouvoirs publics n'est pas en mesure de se faire respecter. Une manière, éprouvée depuis longtemps par les entreprises des pays riches, d'exporter la pollution.

Mais ce n'est pas seulement l'environnement des autres qui serait sacrifié. Le journaliste Peter Maass raconte dans Crude Oil (2009) comment depuis l'Iran de l'époque du Shah, au Venezuela de Chavez, les institutions politiques sont tombées, victimes de la folie du pétrole. On ne compte plus les conflits, nationaux et internationaux, les luttes pour l'indépendance qui ont pour toile de fond, l'appropriation par un groupe des richesses engendrées par les ressources naturelles. C'est le versant politique de la malédiction de la rente.

Il n'y a pas longtemps, il y en a qui souhaitaient interpeller avec force les dirigeants Chinois et les tancer sur le non-respect des droits de la personne. Le réalisme diplomatique nous a rendu, au prix de notre fierté, plus complaisants. Dans l'esprit qui nous animait alors, ne devrions-nous pas nous inquiéter aussi de l'origine de nos importations de pétrole?

En effet, pas loin de la moitié de nos importations provient de pays dont les systèmes démocratiques connaissent de très sérieux ratés. Ainsi selon Statistique Canada, en 2006, 20% des importations de pétrole brut du Canada provenaient d'Algérie, 8% d'Iraq (merci George W. Bush), 8% de l'Arabie Saoudite, 4% du Nigeria et 2,6% de l'Angola. Heureusement il y a l'Angleterre (15%) et la Norvège (22%) pour sauver la face.

Bref, devons-nous préférer le soutien indirect aux régimes autoritaires des pays producteurs, à la pollution albertaine et aux droits ancestraux des populations qui tirent leur subsistance de ces territoires?

Ces interrogations ne datent pas d'hier. En 1880, la demande de kérosène, qui servait à l'éclairage domestique, s'est mise à augmente plus vite que la production. Les prix s'emballèrent, on craignait la pénurie et le retour des villes à la noirceur. Faudra-t-il à nouveau importer l'huile de baleine de Nantucket?

Face à tant d'incertitude, il y avait heureusement au Québec un choix simple et rassurant par son évidence: le nationaliste conséquent préférait toujours l'huile de phoque.

01/02/2010

Rater la crise

(article paru dans La Presse lundi, le 25 janvier 2010)

L'économie canadienne connaîtra une croissance modérée en 2010 (2%) alors que se dissipent les effets de la récession. Le chômage reste élevé à 8,5% (décembre) mais moins qu'aux États-Unis et en Europe (10%). Que nos économies se relèvent aussi rapidement de la pire crise financière du capitalisme est un exploit remarquable à mettre au crédit de l'effort concerté du G20, des organismes internationaux de régulations, un temps décriés, et des politiques nationales de relance.

S'il n'est pas facile de dépenser des milliards, il est encore plus difficile de payer la facture. Les consultations pré-budgétaires nous le rappellent: c'est le temps de rembourser. Les impôts, taxes et tarifs, payent pour les services et les transferts. Ils servent à redistribuer de la richesse, à modifier des comportements et à orienter les choix de consommations. Prendre les moyens de combler le déficit représente aussi une chance pour le gouvernement d'orienter nos efforts vers une économie plus performante.

La destruction évitée

Le capitalisme est caractérisé par des cycles. La théorie affirme qu'au cours d'une crise, les activités les moins rentables disparaissent et qu'une partie des ressources rendues ainsi disponibles est dirigée vers des activités plus performantes. Sur le terrain, le déplacement du capital est une opération pénible marquée par des faillites d'entreprises, des pertes d'emplois, des fermetures d'usines et l'exode des professionnels les plus qualifiés. L'intervention publique vise à mitiger ces maux.

Le soutien aux banques a évité le rappel en cascade des marges et des prêts et a raccourci la période de gel du crédit. Par ailleurs les investissements massifs des divers programmes de relance ont contribué à soutenir la production et l'emploi. Les investissements publics ont maintenu en activité des entreprises moins performantes, alors que d'autres, plus rentables, ont disparu, victimes de mauvais payeurs. Au total, conséquence non voulue et inévitable de l'intervention publique, la restructuration n'a pas eu lieu et la productivité de l'économie n'a pas augmenté à la faveur de la récession.

Rembourser et construire

Le Québec y est allé de son effort de relance. Pour les finances de la Province, la crise a le mérite douteux de nous faire sortir de la fiction du déficit zéro, pour afficher un trou récurrent de plus de 4 milliards pour les prochaines années. Parce que tous les gouvernements sont très endettés, la demande de crédit crée une pression sur les taux d'intérêts. Si le prix de la dette augmente, c'est autant de moins pour les services. On le sent venir, il faut trouver de l'argent en augmentant les revenus puisque les coupures ont atteint leur limite. Comme le rappelait Coluche – citant Raymond Barre: "le bout du tunnel est pour l'an prochain".

Les problèmes comptables ne doivent pas nous faire perdre de vue l'importance de nous engager dans le développement durable et l'économie verte. Pour les seuls tarifs de l'électricité, les experts affirment que le gouvernement du Québec souffre d'un manque à gagner annuel de 2,3 milliards de dollars. C'est la valeur de la différence entre les tarifs résidentiels et commerciaux du Québec par rapport à la moyenne canadienne – eux-mêmes parmi les plus bas au monde (Rapport Montmarquette 2008).

En haussant les tarifs, le gouvernement du Québec recevrait une rente qui pourrait contribuer à résorber le déficit. L'autre effet est le changement des habitudes de consommation, suscités par cette augmentation. Des tarifs plus élevés vont faire diminuer le gaspillage et donc baisser la consommation. Le surplus ainsi libéré pourrait être exporté ou contribuer à retarder la construction et la mise en service de nouvelles installations.

Cette hausse des tarifs, à laquelle devrait s'ajouter une taxe sur les émissions de carbone, aurait un effet structurant bénéfique. Si les énergies traditionnelles sont plus chères, les énergies alternatives deviennent plus concurrentielles, l'éolien, le solaire, la géo-thermie sont abordables; ce qui crée en amont une demande pour la production des équipements qui servent à la production de ces énergies nouvelles.

Las des tergiversations et des complaisances, il est temps que le gouvernement prenne les décisions indispensables au développement de l'économie au risque de rater encore l'occasion offerte par la crise.

26/03/2009

L'énergie de la reprise (Paru dans La Presse le 25 mars 2009)

La mobilisation pour assurer au plus vite la reprise de l'économie américaine est à la mesure de la crise économique qu'elle traverse. Les plans de relance se succèdent, les programmes se mettent en place, l'argent doit sortir. Il faut vite créer des emplois. Tous les élus, des gouverneurs aux sénateurs, jouent leur mandat sur la relance. 

C'est à travers l'urgence de la reprise, indissociable de la création d'emplois et du retour de la consommation, qu'il faut examiner le plan énergétique du Président Obama.

Propre et surtout locale
Trois objectifs sont annoncés: stimuler la production d'énergie renouvelable, diminuer la dépendance au pétrole importé et réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Toutes les décisions de dépenses seront prises en fonction des seuls intérêts des États-Unis. Parce que le Canada est concerné, nous devons être prêts.

Les énergies propres sont l'éolien, le solaire et la géothermie. L'hydroélectricité ne fera pas partie des énergies renouvelables. D'abord, parce que le programme américain est national. Il accorde des subventions aux utilisateurs, pour encourager le développement des technologies, créer des emplois, et stimuler la production locale dans le but de rendre concurrentielles les énergies nouvelles. Ensuite, parce que le potentiel hydro-électrique du Nord-est est négligeable, il n'y a pas de raison de subventionner de l'électricité importée. Rien à voir avec le caractère renouvelable ou propre de l'électricité québécoise.

Le soutien du programme fédéral doit contribuer à développer une industrie  américaine des énergies propres, aujourd'hui dominée par des entreprises européennes et asiatiques. Les fabricants locaux auront la préférence. Si j'étais producteur d'éoliennes ou de panneaux solaires, j'irais aujourd'hui ouvrir un atelier en banlieue de Boston.

L'Amérique d'abord
La même logique s'applique aux objectifs de diversification des sources et d'économie d'énergie.  Les programmes donneront priorité à la relance des emplois par le soutien à la construction d'édifices écologiques et à l'industrie automobile pour la production et la vente de véhicules hybrides rechargeables.

La vie du charbon sera prolongée en promettant, c'est chronique, de diminuer les émissions de carbone. L'industrie l'a compris, l'important c'est d'essayer. Une autre mauvaise nouvelle pour nos exportations d'électricité.

La récession – et le rejet politique du Tournant vert Libéral – militent pour l'abandon d'une taxe sur le carbone. Le Président préfèrera la création d'un marché des émissions de CO2 . L'appui du Congrès sur une norme nationale d'émissions, comme s'y résignent les entreprises, est loin d'être acquis. L'Alberta n'a pas de raison immédiate de s'inquiéter.

Les tarifs sur l'éthanol brésilien – de l'ordre de 53 cents par gallon – ne diminueront pas, a reconnu le Président Obama. Le programme décrié de production de l'éthanol à base de maïs sera maintenu. L'aide aux agriculteurs et l'autosuffisance énergétique sont plus urgents que les problèmes environnementaux.

Les échéances électorales, donc les emplois, dicteront les choix. Tous les Américains veulent voir leur argent au travail. Encore et toujours: America First!